Les défaillances d’entreprises au plus bas, mais l’inquiétude au plus haut

Actualité Presse | 28 octobre 2020

Le nombre des procédures devant les tribunaux de commerce est toujours à la baisse. Un paradoxe qui s’explique par les mesures de soutien du plan de relance. Mais jusqu’à quand ?

Par Béatrice Madeline Publié le 15 octobre 2020 à 08h00 

Drôle de tableau que celui des défaillances d’entreprises. Le nombre des procédures est toujours à la baisse depuis janvier : les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau depuis plus de trente ans, selon les données du cabinet Altarès, publiées jeudi 15 octobre. Au troisième trimestre, 6 702 entreprises ont été placées en procédure de sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, soit plus d’un tiers de moins qu’au troisième trimestre 2019. Ce paradoxe s’explique, depuis le début de la crise, par les mesures de soutien aux entreprises qui les protègent : fonds de solidarité, activité partielle, report des charges…

Le rythme de la reprise économique française devient plus incertain

« En réalité, alors que l’économie n’aura pas encore pansé toutes ses plaies, c’est davantage sur le premier semestre 2021, lorsque les entreprises devront rembourser leurs premières échéances de prêts (PGE) et que la reprise de l’activité absorbera les liquidités, que l’heure de vérité pourrait sonner », prévient Thierry Millon, directeur des études d’Altarès. Les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui présentaient mercredi 14 octobre leurs prévisions, partagent ce constat. Ils craignent une hausse des défaillances allant jusqu’à 80 % par rapport à l’année dernière.

« Pertes historiques »

La perte totale de revenus pour les entreprises sur l’ensemble de l’année est évaluée à 56 milliards d’euros, soit 44 % du total essuyé par l’économie. « Face à ces pertes historiques, de nombreuses entreprises, en manque de fonds propres, font face à une perte de solvabilité pouvant induire des faillites », note l’OFCE. Certes, un dispositif de renforcement de fonds propres a été mis en place par le gouvernement dans le cadre du plan de relance. Mais il semble sous-dimensionné par rapport aux besoins : « Il faudrait 10 à 15 milliards d’euros », estime Xavier Timbeau, le directeur de cet organisme indépendant.

Autre motif d’inquiétude, l’endettement des entreprises s’alourdit sans cesse : le report des cotisations sociales représente 25 milliards d’euros depuis le début du confinement, les échéances fiscales, 3 milliards. Le PGE, lui, a été octroyé pour un montant de plus de 121 milliards d’euros, à la date du 2 octobre, au profit de près de 600 000 entreprises. Soit un total de plus de 150 milliards de dettes bancaires et fiscales que les entreprises ont accumulées depuis le début du confinement. Un poids considérable qui pose la question du remboursement des échéances, un point « crucial » selon Mathieu Plane, directeur adjoint du département prévision de l’OFCE.

Covid-19 : le fonds de solidarité va bénéficier à 75 000 entreprises supplémentaires

Dans ce contexte, la prévention des difficultés des entreprises est essentielle. Or, en raison du report des dates butoirs, environ 13 % des entreprises n’ont pas encore déposé leurs bilans auprès des tribunaux de commerce. Or, leur examen par le greffe permet de déceler ou d’anticiper des difficultés en déclenchant les procédures nécessaires. « C’est un indicateur d’alerte de moins » note M. Millon. De ce fait « les entreprises ne vont pas au tribunal : or, chaque jour qui passe est un jour de dettes supplémentaires ».

Béatrice Madeline

Source : Le monde Economie / Entreprises