Note économique et financière – Octobre 2019

Bilan | 6 novembre 2019

Catherine WAJSMAN répond à une batterie de questions destinées à aider à comprendre l’évolution des marchés au trimestre passé et à anticiper les mois à venir.

Quelles sont les raisons qui ont conduit les Banques centrales à mettre en place les mesures de soutien ?

C’est simple : confrontés aux risques politiques et surtout aux tensions commerciales croissantes, les organismes centraux veulent freiner le ralentissement de l’économie mondiale, voire empêcher la récession (récession à laquelle nous ne croyons pas vraiment pour 2019, ni pour 2020). Encore faut-il être convaincu que ces mesures sont réellement efficaces.
A notre avis, le risque réel est la surtaxation par les Etats-Unis des 540 MM de dollars d’importations chinoises. Il faut reconnaitre – pour être objectif – que le transfert systématique des technologies des USA vers la Chine et les subventions permanentes des entreprises d’Etat chinoises doivent trouver des compensations. Cela dit, le boycott des grandes sociétés technologiques américaines par les chinois ne se produit pas sans dégâts : d’ores et déjà, la Chine exerce des pressions sur les secteurs de l’agriculture et du pétrole US en y substituant les importations de soja via le Brésil et les importations de pétrole via la Russie !
En réalité, le choc le plus important de l’économie mondiale provient de ce que le secteur manufacturier ne tire plus vers le haut la croissance mondiale, les services représentant désormais 55 % du PIB chinois.

Aux Etats-Unis, l’emploi constitue clairement l’élément clé de la robustesse de la conjoncture. C’est pourquoi, il convient d’être très attentif à la stabilité de l’emploi aux Etats-Unis en raison du risque de contagion du ralentissement de l’activité manufacturière au reste de l’économie.

Il semblerait que la zone euro ne soit pas épargnée…

Evidemment pas. Nous avons évoqué au trimestre précédent la mollesse de l’activité économique (Italie, Allemagne…) notamment dans l’industrie, le secteur des services n’étant pas touché à ce jour (hors secteur bancaire particulièrement fragilisé en Europe). Une récession se définit par deux trimestres de baisses consécutives de la production. L’Allemagne n’en est pas éloignée. De façon générale, la mise en place de normes coûteuses et de régulations croissantes affaiblit les entreprises, toutes soumises à une compétition souvent infernale.

En d’autres termes, y a-t-il encore, en cas de besoin des possibilités de QE (Quantitative Easing) en Europe ? Y a-t-il encore des munitions ?

Aucun problème à cet égard. La Banque centrale européenne injecte actuellement 20 milliards d’euros par mois. Mais, comme le déclarait récemment M. Villeroy de Galhau – Gouverneur de la Banque de France – les incertitudes que font naître la guerre commerciale ou le Brexit freinent les décisions d’investissements des chefs d’entreprises, ce qui ne peut qu’être défavorable à l’économie.

Un peu d’inflation est le plus souvent considéré comme un signe de bonne santé de l’économie. Qu’en pensez-vous ?

Sans doute, mais il n’y pas de miracle. L’inflation ne naît pas par le Saint Esprit. Mario Draghi, qui termine un brillant mandat, a pu constater que l’augmentation considérable de liquidités injectées par les banques centrales n’a pas provoqué la moindre inflation, presque au contraire.
Réforme suggérée par une sénatrice démocrate américaine : le doublement du salaire minimum garanti !! Pour toutes sortes de raisons, ce programme n’est pas pour demain…Seuls des investissements importants en infrastructures, en technologies et dans le domaine de la Santé pourraient amorcer la reprise de l’inflation.

En ce qui concerne la gestion de portefeuilles, que pensez-vous de l’incontestable succès des ETF ?

Je comprends que les investisseurs soient attirés par des produits peu coûteux aux commissions de gestion faibles. Pour information, aux Etats-Unis, 70 % des ETF sont traités de gré à gré, loin du regard des autorités de marché alors qu’ils représentent 50 % du volume des actions et 31 % du volume des obligations.

En ce qui nous concerne, nous avons une méfiance instinctive à l’égard des ETF et ne les utilisons que très marginalement et sur des marchés sur lesquels nous n’avons pas identifié de fonds satisfaisants.

Deux économistes de grand renom – Eugène FAMA et Ken FRENCH – (American Century Investments, Federal Reserve Economic Data) considèrent « que les ETF s’engagent à offrir une liquidité que leurs sous-jacents ne leur permettent pas toujours ».

Le journal suisse « Le Temps » pointe dans son édition du 26 août dernier l’étude de JP Morgan sur les 1 100 Milliards $ placés en ETF plus ou moins liquides. Sont impliqués les crédits bancaires, la dette émergente, l’immobilier et, de façon plus générale, la dette à haut rendement. Par ailleurs, Morgan Stanley relève qu’un tiers des ETF est constitué d’instruments à sous-jacents peu liquides utilisant l’effet de levier ou des « swaps » avec des actifs sans lien avec l’indice suivi : en août 2015, 327 ETF ont été suspendus à la bourse de New York à plusieurs reprises ; la valorisation des ETF a été fortement décalée des sous-jacents, les décotes frisant parfois les 30 %.
Depuis 10 ans, les banques d’investissement, autrefois pourvoyeuses de liquidités dans les phases de marchés difficiles, ont divisé leurs stocks de titres par 5. Leur intervention serait-elle efficace en cas de crise de liquidité ?

Dans un contexte économique complexe, quel type de placements favorisez-vous en direct ou au travers des fonds au sein desquels vous investissez ?

Malgré le caractère souvent prudent de notre gestion, nous avons toujours réservé une place quasi-nulle aux fonds euros. Aujourd’hui, dans un contexte de taux négatifs, les assureurs dissuadent enfin les épargnants de se diriger vers les fonds euros. La Banque centrale européenne réalise ainsi son objectif en incitant les investisseurs à se détourner de ce type de produit et à soutenir les entreprises.

Sur les parties « long », après avoir investi – notamment en Europe – pendant plusieurs années consécutives dans les small et mid, nous avons sélectionné depuis le début de l’année des grandes valeurs de sociétés à structure durable susceptibles de générer une croissance soutenue, tout en évitant les risques de marchés. Nous réinvestirons peut-être dans les small et mid qui ont pris du retard, à partir de l’an prochain.
Sur le plan tactique, les produits structurés permettent de préserver des rendements intéressants.

Comment les sociétés de gestion et les gestionnaires doivent-ils réagir ?

L’élargissement de l’offre est une règle de bon sens que nous évoquons depuis de nombreuses années : diversité, sélection de stratégies lisibles, d’actifs tangibles, recherche de rendement, hedge funds (même si depuis 2008, l’offre de qualité est rare), investissements décorrélés dans le Private Equity.

De façon quelque peu « brutale », êtes-vous pessimiste ?

Par tempérament, certainement pas. Sur le plan politique, il suffit d’observer l’état du monde pour être particulièrement inquiet. Sur le plan financier, si on veut être synthétique et à l’horizon des 5 à 10 ans, l’émergence des classes moyennes notamment en Asie, et plus particulièrement en Chine, est un moteur dont on sous-estime parfois l’importance. Les dirigeants des grandes entreprises internationales en sont parfaitement conscients.


Avertissement

La présente note de gestion correspond à une simple information destinée à faciliter la compréhension des marchés financiers. Elle ne constitue pas une recommandation.
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Les tentatives de prévisions concernant les évolutions des marchés sont basées sur des hypothèses qui peuvent ne pas se concrétiser.
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