Bilan 2018 / Perspectives 2019

Bilan | 29 janvier 2019

Catherine Wajsman livre son point de vue sur les éventualités d’une récession en 2019 et les stratégies de gestion actuelles du groupe Opportunité.

1. Que s’est-il passé sur les marchés financiers en cette fin d’année 2018 ?

Un bref aperçu du « tsunami » boursier vécu au 4ème trimestre 2018 est de mise. En effet, à fin septembre, la plupart des portefeuilles tous gérants confondus et à l’échelle internationale étaient positifs (d’autant plus positifs qu’ils étaient investis sur les marchés américains). Or, en fin d’année, ces mêmes portefeuilles, tous gérants confondus, ont réalisé des performances négatives entre 0 et – 15 % (performances d’autant plus négatives lorsque les portefeuilles étaient investis sur les Mid et Small Caps européennes ou sur certains marchés asiatiques dont la Chine). Sans entrer dans le détail, à l’échelle mondiale, les fonds actions ont enregistré des retraits records de 84 Milliards de dollars sur les 6 dernières semaines de 2018, plus élevés que ceux constatés sur une période équivalente en 2008 !

 

2. Une récession économique vous paraît-elle probable ? En d’autres termes, constituet-elle, pour 2019, un risque majeur ?

Pour l’INSEE, un pays entre en récession quand son PIB se replie pendant au moins deux trimestres consécutifs. Cela n’est pas probable à ce jour. Il ne faut pas confondre récession et ralentissement de l’économie. Je dirais que – fort heureusement – d’une façon générale, on passe plus de temps à anticiper les récessions qu’à les vivre dans la réalité. Les principales raisons pour lesquelles nous ne croyons pas à une récession aux Etats-Unis en 2019 sont les suivantes : aux USA, niveau très faible du chômage, niveau élevé des mises en chantier des maisons individuelles, profits des entreprises facilitées par le régime fiscal. En Europe, des facteurs exogènes ont déjà ralenti la croissance : grèves, mouvement des « Gilets Jaunes » en France, évolution internationale des normes dans l’automobile, incertitudes politiques un peu partout, crise bancaire en Italie, Brexit, etc … Pour compléter la réponse sur l’absence de récession et si on ose des pronostics, tablons pour 2019 sur une croissance de 2,5 % aux Etats-Unis, de 1,5/1,8 % en Europe et autour de 3 % au niveau mondial, la disparité entre les grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Russie) d’une
part et les plus petits pays, d’autre part, étant particulièrement importante. Rendez-vous fin 2019 pour constater la fiabilité de ces prévisions …

 

3. Puisque vous ne croyez pas à la récession pour l’année à venir, quels sont en dehors des risques politiques, les poches de dangers qui vous paraissent les plus sérieuses ?

D’une part, je dirais qu’il ne faudrait pas que la politique protectionniste du Président des Etats-Unis se déplace vers l’Europe. Par ailleurs, la forte baisse des liquidités, la forte hausse de la volatilité et l’ampleur de l’endettement mondial me paraissent les risques les plus sérieux. Il faut savoir que la FED retire actuellement 50 milliards de liquidités par mois, soit le même montant qu’elle injectait dans l’économie pendant le Quantitative Easing. Un marché en manque de liquidités peut inquiéter parce qu’il devient « figé ». Il est souvent la conséquence d’un endettement excessif des entreprises. On constate que dès qu’elles annoncent un résultat inférieur aux attentes, leurs cours de bourse chutent de 10 à 15 %, ce qui est évidemment à l’origine de la volatilité des marchés. Finalement, les gestionnaires n’aiment ni les marchés atones, ni une volatilité excessive.

 

4. Vous avez mentionné au cours des trimestres précédents recourir à des produits
alternatifs, c’est-à-dire, dans une conception large, à tous produits hors actions et
obligations classiques.

En effet, nous nous félicitons depuis maintenant plus de 2 ans d’avoir de plus en plus recours à des produits que l’on peut qualifier d’alternatifs ou périphériques. Parmi eux, les produits de dette – à ne pas confondre avec les obligations classiques qui ne présentent, à notre avis, que très peu d’intérêt en cas de hausse des taux – cotés ou non cotés, sont sans aucun doute un recours intéressant pour les investisseurs, sous réserve de les adapter à leur profil sur toute l’échelle de risque du plus prudent au plus dynamique. Nous nous éloignons souvent des produits high yield classiques (taux élevés consentis par une entreprise) au profit de produits à sous-jacents immobiliers, entourés de garanties et de sécurités.

 

5. Question délicate : comment voyez-vous 2019 et quels sont vos conseils ?

Tout d’abord, en termes de prévisions, l’humilité la plus grande s’impose. Si vous vous référez aux prévisions et conseils de la plupart des analystes et gérants début 2018, vous trouverez principalement – malgré quelques réserves d’usage prônant la prudence – un pronostic quasi euphorique sur les perspectives des actions européennes et un quasi-rejet du marché américain. On a vu le résultat ! Aujourd’hui, la question est de savoir si la dernière baisse des marchés est allée trop loin.

En cas de diminution de l’incertitude sur le Brexit ou de baisse de l’inquiétude sur les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, les marchés peuvent rebondir :

▪ parce qu’ils ont baissé trop brutalement,3
▪ parce qu’ils sont volatils,
▪ parce que certaines entreprises sont très sous-évaluées,
▪ parce que la première hause des taux prévue pour 2019 en Europe interviendra
sans doute au mieux en 2020,mais, comme évoqué plus haut, nous ne croyons pas que les marchés européens dépasseront leurs plus hauts de 2018.

Cela étant, les observateurs s’étonnent souvent de la divergence entre résultats bénéficiaires
des entreprises et marchés en baisse. En effet, il n’y a pas de corrélation, en tout cas dans le « timing ». Pour prendre la période récente, les marchés ont anticipé, année après année, la croissance des résultats, confortés par le niveau des taux d’intérêt historiquement au tapis. Il était clair que cette hausse s’arrêterait un jour. Personne ne pouvait en prévoir le moment précis. Le ralentissement de la croissance a rendu les objectifs de résultats trop ambitieux. Certains gérants n’étaient pas investis et ont raté les dernières phases de hausses, d’autres – comme nous – avaient allégé par tranches, d’autres « font le gros dos », en attendant une remontée des cours.

En termes d’investissements :

▪ Nous faisons confiance aux gérants spécialisés sur telle ou telle catégorie d’actifs, qui ont fait leurs preuves dans leur spécialité, en privilégiant directement ou par l’intermédiaire des fonds les valeurs Santé, Technologie et Biotech.
▪ Nous réitérons notre manque d’intérêt pour les fonds indiciels.
▪ Malgré notre prudence sur les marchés actions, nous continuons d’être investis de façon permanente sur les actions américaines. Quelles que soient les circonstances sur le court / moyen / long terme, les facteurs de croissance et de rebondissement sont illimités aux Etats-Unis.
▪ Nous sommes – à tort ou à raison – sous investis sur les marchés européens, tout en conservant quelques fonds de Small et Mid et en pratiquant le stock picking ainsi que le suivi de quelques grandes et belles valeurs.
▪ Nous entrons, à titre symbolique, sur les marchés de la dette émergente aux rendements attractifs, du fait, notamment, de la sous-évaluation de certaines monnaies émergentes.
▪ Enfin, nous accroissons la part des produits alternatifs – produits structurés, immobiliers, opportunités diverses – susceptibles de procurer aux portefeuilles des revenus satisfaisants (objectif de 5 à 8 % l’an).

Nous sommes convaincus que ce type d’investissement continuera à se développer et constituera dans les années à venir une partie substantielle des fortunes confortables.

29/01/2019