Evolution des marchés et leurs perspectives pour l’année par Catherine Wajsman – Juillet 2018

Analyse | 23 juillet 2018

I. Quelles sont, à votre avis, les principales données macro-économiques à la fin de ce
premier semestre 2018 ?

Depuis 2 ans, on a constaté une embellie économique à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, il convient de s’interroger sur le prolongement de cette embellie – différente selon les continents – et sur ses conséquences éventuelles sur les marchés financiers.

Les Banques centrales ont décidé de limiter les liquidités injectées dans le système depuis la grave crise de 2008, c’est-à-dire à la fin de 10 années de politiques monétaires particulièrement exceptionnelles.

Les principaux facteurs d’inquiétude peuvent se résumer comme suit : bras de fer commercial entre les Etats-Unis et le reste du monde, virages dans les politiques des Banques centrales (remontée des taux américains par la FED et fin progressive de la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque centrale européenne), doutes sur la cohésion européenne (cf les élections Italiennes), dettes colossales au sein de la plupart des pays…

II. Il est une question présente sur toutes les lèvres : la politique de Donald TRUMP conduit-elle le monde à la catastrophe ?

Nous ne pourrons répondre de façon certaine à cette question qu’à la fin de son premier ou – qui sait- à la fin de son second mandat !
Il faut se méfier des préjugés. L’Europe cartésienne est très portée sur la critique, surtout face à des comportements qui peuvent paraitre incontrôlables, donc dangereux. Il ne faut pas sousestimer la possibilité pour le Président actuel des Etats-Unis d’obtenir, grâce notamment à sa politique protectionniste, une majorité à la Chambre des Représentants aux élections du 6 novembre prochain.

Pour l’heure, la croissance se poursuit à un rythme plus rapide aux Etats-Unis qu’en Europe, (grosso modo 3 % contre 2 %). Sur le plan boursier, notre fonds Vanguard Opportunities, auquel nous sommes fidèles depuis de nombreuses années, termine le semestre avec une hausse de 10 %. De même, le fonds H2O Multibonds, que nous citions dans notre note du 1 er trimestre et qui avait au 31 mars dernier réalisé une performance de 12 %, termine le semestre avec une hausse de près de 20 %.

En ce qui concerne la « guerre commerciale » que le Président des Etats-Unis a déclenchée il y a quelques semaines, on a perçu dans un premier temps, le caractère bilatéral des conséquences entre les Etats-Unis et la Chine mais il est apparu rapidement que l’Europe et l’Amérique Latine étaient largement concernées.

Aux Etats-Unis même, Donald Trump a peut-être sous-estimé les risques de représailles sur le secteur agricole américain, fortement exportateur.

III. Venons en précisément aux marchés émergents :

Les effets ne se sont pas fait attendre : l’indice MSCI des marchés émergents a perdu 8.5 % au 1 er semestre. Parmi les pays les plus affectés, la bourse des Philippines a perdu 24 %, l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Indonésie ont vu leurs indices boursiers chuter d’environ 20 % ; en Chine, le Shangaï Composite a perdu 14 % et le Shenzhen Composite 17.5 %.

Après avoir été systématiquement présents sur les marchés émergents en 2017, nous avions d’une certaine façon, anticipé cette baisse en n’étant investis que sur des valeurs émergentes patrimoniales. Puis nous les avons cédées quasi-intégralement, en conservant toutefois un très modeste investissement sur le marché Indien considérant que sur le long terme, le pays ne pouvait – notamment sur les Mid et Small Caps – que tirer son épingle du jeu.

A l’inverse des conseils prodigués par les analystes, les investisseurs internationaux ont donné une préférence aux actifs américains, ce qui n’a pas été étranger à la hausse du dollar (près de 7 % de hausse depuis début février par rapport à la plupart des monnaies). Le yuan, par exemple, a chuté de l’ordre de 6 % depuis la mi-avril, les observateurs considérant que Pékin peut utiliser l’arme de la dévaluation compétitive pour résister aux taxes d’importation que les Etats-Unis s’apprêtent à infliger à ses produits.

Cela dit, en cas de baisse des marchés émergents de 10 % supplémentaires, nous n’hésiterions pas à investir 5 % a minima des portefeuilles en fonds émergents de qualité.

IV. Que pensez-vous de la gestion active en comparaison de la gestion passive, de plus en plus à la mode ?

Ma réponse est tout à fait objective puisque nous ne gérons pas en fonds maison : nous n’avons aucun intérêt à privilégier la gestion active par opposition à la gestion indicielle passive.

Cela dit, nous ne partageons pas l’engouement pour la gestion passive. Contrairement à certaines statistiques, la quasi-totalité des fonds que nous sélectionnons depuis de
nombreuses années battent systématiquement les indices et cela sur le court terme mais aussi sur le très long terme. Lorsque ce n’est pas le cas, nous arbitrons ce fonds.

A titre d’exemple, sur l’année 2017, sur plus de 6 000 fonds actifs domiciliés en Europe et représentant un montant de 1400MM d’euros dans 23 univers différents, 44 % des fonds actifs ont surperformé leurs indices de référence (étude annuelle de Lyxor Asset Management : « Analysing active and passive fund performance »).

Notre démarche d’analyse des fonds et le dialogue direct et fréquent avec les gérants nous permettent de mieux déterminer l’allocation globale. Pour la gestion en titres vifs, il en est de même grâce au dialogue direct avec les entreprises et les dirigeants lors des assemblées générales et, bien évidemment en dehors.

V. Au vu des inquiétudes des investisseurs et de la fébrilité des marchés pensez-vous qu’il convient d’alléger les investissements en actions ?

Je ne crois pas à des perspectives euphoriques sur les marchés pour le second semestre et l’analyse des risques peut continuer de perturber les marchés et créer, bien sûr, de la volatilité. Curieusement, alors que les événements politiques ne semblaient plus, depuis de nombreuses années, influencer les marchés, les investisseurs réagissent souvent brutalement aux risques géopolitiques (exemple : crise Italienne).

Cela étant, la croissance mondiale – même ralentie – est toujours présente. Les taux sont toujours bas. L’inflation – comme nous l’avions prévu depuis plusieurs années – reste parfaitement maitrisée. À ce jour, la hausse de l’inflation est principalement dûe à la hausse des cours du pétrole et les résultats des entreprises restent bons.

La sagesse nous a conduits à créer quelques poches de liquidités afin de profiter, le cas échéant, d’une baisse éventuelle des marchés – pourquoi pas en été – et réinvestir dans des sociétés ou des fonds actions dont l’activité et les résultats sont toujours porteurs sur le long
terme.
Si le dollar atteint un niveau de 1.10 contre euro, les grandes valeurs européennes présenteront un potentiel supplémentaire.
Conserver les grandes valeurs sélectionnées sur le long terme ou, selon les cas, pratiquer le stock picking et la mobilité sur la poche actions permet de capturer ces quelques points de base qui, dans l’environnement actuel, font la différence.
Conserver des liquidités constitue un acte de gestion. Le couple performance/risque des obligations s’étant dégradé, nous préférons – et de loin- les liquidités aux obligations.
Enfin, en comparaison avec le 1er trimestre, nous avons légèrement diminué -en Europe seulement- l’allocation Mid et Small au profit de plus grosses capitalisations.

VI. De toute évidence, les modèles traditionnels équilibrés actions/obligations ne constituent plus la meilleure option. Que préconisez-vous ?

Ainsi que nous le suggérions, au trimestre dernier, nous devons privilégier de nouvelles classes d’actifs : parmi celles-ci :

  • nous sommes revenus sur la gestion alternative, notamment sur les long/short (gestion des positions « acheteurs » couvertes par les positions « vendeurs »).
  • nous sommes interrogés sur des placements en obligations privées aux rendements intéressants (8 % par an sur 2 ans), proposées par des émetteurs privés de qualité. Ces émetteurs agissent souvent dans le domaine immobilier : résidences étudiants, résidences Santé, logements sociaux sont désormais inclus au sein de nos stratégies.
  • parmi les classes d’actifs alternatives, le « private equity »continue de tirer largement son épingle du jeu avec des process de plus en plus modernes.
    Nous révèlerons dans une note ultérieure nos recherches et nos propositions dans ce domaine.