Catherine Wajsman : quatre métiers et trois passions – Janvier 2016

Article de presse | 15 janvier 2016

Article paru dans Distrib Invest Le 15/01/2016 –  Par Jérémie Gatignol


Écrivaine, professeure, gérante et fondatrice de la société de gestion Opportunité, la vie professionnelle de Catherine Wajsman se compose d’une succession de plusieurs tableaux. Une vie bien remplie qui lui laisse tout de même un peu de temps pour sa passion pour l’art qui se décline autour de la peinture, le cinéma et la musique.

Née en Pologne, Catherine Wajsman arrive en France à l’âge de trois ans avec sa famille qui a fui le régime communiste. Si l’histoire de ses parents, est marquée par les atrocités de la guerre, la sienne est en revanche beaucoup plus douce. « Mon histoire personnelle familiale s’est déroulée dans une parfaite harmonie pendant toute mon enfance et mon adolescence », raconte-t-elle.

En 1964 elle passe son « bac philo » au lycée Hélène Boucher de Paris, puis intègre l’Université Paris 2 Assas pour y étudier le droit. Elle y obtient un DESS de droit public avant de rejoindre Science-Po Paris où elle termine ses études. Catherine débute ensuite sa carrière professionnelle dans l’enseignement, à Clignancourt puis rapidement à Assas, où elle donne des cours de droit constitutionnel, droit administratif et d’économie. Au départ, elle est assistante d’enseignement auprès du doyen de l’Université d’Assas, Georges Vedel, avant de devenir professeure. « C’est une période qui m’a beaucoup plu au début mais que j’ai fini par trouver répétitive », se remémore-t-elle. Après un peu moins de dix ans passés à enseigner, elle décide donc de changer de cap. Sa rencontre avec Bertrand Daugny, ancien président de Dassault Électronique, va jouer un rôle crucial dans sa reconversion. « Il était passionné de finance et m’a fait réaliser que la finance m’intéresserait infiniment plus que l’université », se rappelle-t-elle.

15.12.30-image-cacao-n-16Les femmes de SOLEA, la société productrice de cacao, filiale de KKO International qu’Opportunité a lancée.

Elle commence par faire un stage au cabinet Detroyat, spécialisé dans l’analyse financière, puis un second chez le broker américain Wertheim en 1980. Deux ans plus tard, elle crée la société de gestion Opportunité, grâce à la confiance d’un ami, qui lui confie un compte de 100.000 francs, et le soutien de la BPGF (devenu la Banque Pallas en 1987 avant la faillite de 1995). « J’ai commencé toute seule sur un coin de table, indique-t-elle. J’avais une vision très internationale des marchés, c’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers la multigestion ». Avec des marchés porteurs et une philosophie de gestion plus « décontractée » que celle des grandes banques, les encours de la clientèle privée explosent rapidement. En seulement 6 ans, ils dépassent même ceux de la clientèle privée du dépositaire, la banque Pallas. En 1990, la société de gestion est l’une des premières de la Place à obtenir son agrément AMF et poursuit son développement jusqu’en 1992. Elle fait alors la rencontre de Jacques-Antoine de Geffrier et décide de s’associer. « Depuis nous fonctionnons en véritable tandem sur tout », explique-t-elle. Trois ans plus tard elle créé un département hedge funds au sein d’Opportunité afin d’en sélectionner dans les portefeuilles de la société. « J’ai découvert cette classe d’actifs quand Patrick Stevenson et Hugues Lamotte m’ont demandé, en 1990, de devenir administrateur, en plus de mes responsabilités chez Opportunité, du département hedge funds de leur société Atlas à Londres », détaille-t -elle. Son appétence pour les hedge funds dure jusqu’en 2008 et le début de la crise financière. Après cette période, Catherine et son associé décident de développer une activité de private equity. Des efforts qui ont permis d’accompagner des sociétés en cours de création ou en début d’existence, comme Omega TV et plus récemment KKO international, une exploitation de cacao en Côte d’Ivoire. « Je suis particulièrement fière de ce projet initié par Jacques-Antoine de Geffrier, insiste-t-elle. Pour son potentiel financier évidemment, mais aussi pour le développement qu’il a engendré aux alentours. Nous avons apporté l’électricité, l’eau potable, nous avons créé une école … et surtout nous appliquons avec rigueur l’interdiction du travail aux enfants ».

filetPhoto du « Filet » de Jivya Soma Mashe. , l’un des tableaux d’art tribal qu’affectionne particulièrement Catherine.

Comme souvent chez un chef d’entreprise, la vie professionnelle et personnelle de Catherine s’entremêlent. C’est particulièrement le cas de sa passion pour l’art. « La première raison pour laquelle je me suis lancée dans la finance, est que j’étais éblouie par la collection d’art d’un de mes amis, relate-t-elle. Je me suis dit qu’en travaillant dans ce secteur, j’aurais les moyens d’acheter des œuvres d’art ! ». Passionnée de peinture et de sculpture, elle cite avec émotion et admiration Jean Dubuffet, Germaine Richier et Sandro Boticelli. « Elle aime particulièrement l’art du XXe siècle », confie Sylvie Bruneau, amie de longue date de Catherine, qui s’occupe depuis plus de vingt ans du département art de la société Opportunité. « Dès qu’elle a cinq minutes, elle se documente, visite une exposition, une foire, une galerie, poursuit son amie. Elle a un vrai goût pour l’esthétique qui fait partie de son quotidien et tient une place centrale dans sa vie ». Il suffit d’ailleurs d’observer les murs des bureaux d’Opportunité pour s’en apercevoir. Littéralement tapissés de multiples tableaux, photos et d’œuvres variées, ils affichent clairement les goûts de la maîtresse des lieux. « Je me suis récemment intéressée à l’art tribal indien et nous avons acheté plusieurs tableaux, révèle Catherine. Des œuvres remarquables où l’artiste utilise directement la matière première (ndlr : la glaise) pour réaliser ses tableaux ».

Avant sa vie de financière Catherine a aussi été écrivaine. En 1971, tout juste mariée, elle écrit avec son conjoint, Patrick Wajsman un « Guide d’exercices pratiques de droit constitutionnel ». Un petit livre vendu aux élèves de première année de droit et dont les nombreuses rééditions ont permis aux jeunes mariés de partir aux sports d’hiver pendant plusieurs années. Un an plus tard, le couple, qui évolue dans les sphères politiques au sortir de Science-Po, décide d’écrire un livre sur Edgar Faure. Mais une rencontre avec l’ancien ministre modifie leur plan. « En une heure d’entretien, il nous a indiqué tout ce qu’il faudrait mettre de la première à la dernière page, se souvient-elle. Évidemment, le projet n’était pas jouable ! ». Ils décident donc de jeter leur dévolu sur Jacques Chirac, alors star montante du gaullisme aux côtés des « cadets de la République », une dizaine de « jeunes loups » que Pompidou avait lancé à l’assaut de départements historiquement à gauche lors des élections législatives de 1967. Pendant un an, ils vont cohabiter avec le député de Corrèze et le suivre un peu partout. « Cela a été une période absolument extraordinaire de notre vie, se rappelle-t-elle. Nous discutions pendant des heures, et s’il n’était pas forcément un grand intellectuel il avait un dynamisme fou et était adoré par tous ceux qui l’approchaient. Il avait une très grande prestance et un humour aiguisé. Quand vous partagiez sa table, vous finissiez souvent par avoir mal à la mâchoire tellement il vous faisait rire ».

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Les trois livres publiés par Catherine Wajsman.

Le livre paraît en 1972 et Catherine décide de faire une pause dans l’écriture. Pause qui durera jusqu’en 1978 et la publication de son dernier livre « La Dangereuse Illusion », un scénario de politique fiction qui décrit la situation en France en cas de passage de la gauche au pouvoir. « Finalement, je ne me suis pas trop trompée, plaisante-t-elle. Mais j’ai trouvé l’exercice très compliqué et j’ai décidé d’arrêter l’écriture et de délaisser la politique intérieure ». 1978 est également l’année où son mari crée la revue « Politique internationale », la première revue de langue française traitant de ces questions. « Grâce à la revue, j’ai rencontré, au fil des années, de très nombreux chefs d’État et des gouvernants à travers le monde. Une expérience irremplaçable …», évoque-t-elle. Elle parle ainsi avec beaucoup d’admiration de l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin, de Frederik de Klerk, président d’Afrique du Sud qui a mis fin à l’Apartheid, ou plus récemment, de Tabaré Vazquez, actuel président de l’Uruguay. Des rencontres hors du commun qui ont rythmé sa vie depuis plus de 30 ans.