2014, retour sur une année d’ajustement, quelle strategie pour 2015 – Décembre 2015

Bilan | 22 décembre 2014

Quel bilan tirer de l’année écoulée ?

Deux visions de la situation économique mondiale pourraient co-exister aujourd’hui :

1. L’image macro-économique a en fait assez peu évolué depuis un an (la relecture du document envoyé il y a un an est à ce titre intéressant) :

  • L’Europe reste engluée dans ses difficultés: croissance atone, chômage élevé, manque de réformes et endettement public continuent de miner les perspectives.
  • La déflation menace encore et toujours, le regard des investisseurs reste porté vers une possible intervention de la BCE.
  • Malgré un accident de parcours au premier trimestre (0.1%), l’économie américaine a confirmé son statut de locomotive de l’économie mondiale.
  • Les choix de politique monétaire de la FED restent au coeur des discussions même si le sujet s’est déporté de la fin du Quantitative Easing sur la future hausse des taux.
  • La situation dans les pays émergents s’est globalement apaisée mais les craintes sur la croissance chinoise et la bulle immobillière restent d’actualité.
  • L’économie japonaise peine à se défaire de la spirale déflationniste malgré les injections de liquidité de la BoJ et une politique budgétaire expansionniste.

2. Pourtant l’ampleur des ajustements qui se sont opérés en 2014 est significative :

  • L’exemple le plus marquant est probablement la chute des cours du pétrole de plus de 50% en 6 mois ! Un mouvement impensable il y a encore quelques mois. Désormais, certains analystes multiplient les arguments et les études pour affirmer que le baril de pétrole pourrait se maintenir à 40$ pour une période prolongée…
  • Les prix des matières premières ont nettement corrigé depuis un an. Minerai de fer, charbon, cuivre, soja, sucre, affichent des baisses de -20,-30 voire -50% ! L’offre est abondante, la demande atone.

Beaucoup de projets (mines, gisements…) ont été lancés au moment de l’envolée économique de la Chine, ils sont maintenant en exploitation au moment où la demande cesse de croitre (ralentissement de la croissance en Chine et dans les pays émergents, embargo russe).

  • Autre ajustement majeur en 2014: celui des monnaies. La valeur du rouble a dégringolé de 40% suite aux difficultés de l’économie russe. Même si la baisse de l’euro et du yen par rapport au dollar (respectivement -12% et -10%) étaient plus prévisibles compte tenu des politiques monétaires menées et du différentiel de croissance, l’amplitude est significative.

Première victime collatérale : contre toute attente, la Banque Nationale Suisse a annoncé le 15 janvier dernier renoncer à protéger le cours plancher de 1.20 Franc suisse pour un euro. Le franc suisse s’est envolé de près de 40% avant de se stabiliser vers un franc suisse pour un euro (soit +20%).

Cette hausse de la devise n’étant pas sans conséquence pour les entreprises suisses, surtout pour celles qui exportent, l’indice du marché action suisse a terminé la séance en baisse de -8.70%.


La baisse des matières premières représente une bouffée d’oxygène bienvenue pour les économies importatrices, c’est également un énorme coup de pouce au pouvoir d’achat des ménages et pour les marges de la majorité des entreprises.

En revanche, cela a entrainé des difficultés majeures pour les économies les plus dépendantes des revenus des matières premières :

  • L’économie russe a subi de plein fouet les sanctions européennes et la baisse de ses revenus pétroliers. Le rouble a chuté de plus de 40% en 6 mois.
  • Le secteur énergétique aux Etats-Unis connaît aussi des difficultés qui pourraient s’aggraver si la situation perdure. On a assisté à des phases de stress sur les marchés obligataires High Yield aux Etats-Unis avec la crainte d’une crise majeure et des faillites à répétition de sociétés d’exploration, fortement endettées, dont les projets ne sont plus rentables.
  • De nombreux autres petits pays exportateurs très dépendant des revenus pétroliers comme le Nigeria ou le Venezuela souffrent également.

Un point sur les marchés et les fonds

CAC 40 : -0.5%

BEL 20 : +12.3%

Euro Stoxx 50 : 1.2%

S&P 500 : 11.4%

MSCI Emerging Mkts : -1.8%

MSCI China A : +50%

NIKKEI 225 : +9.4%

MSCI World en $ +2.9%

Des disparités géographiques et sectorielles importantes.

La zone Euro et les marchés émergents terminent autour de zéro, alors que les indices américains continuent de battre des records, suivis par le Japon dont les marchés apprécient la politique accommodante de la banque centrale et les déclarations du plus gros fonds de pension du pays qui prévoit d’augmenter sa proportion d’actions japonaises en portefeuille.

Pour l’anecdote, la décision de la Chine d’ouvrir un peu plus son marché aux capitaux étrangers via la connexion entre les bourses de Hong Kong et Shanghai (voir la note du 12 dec 2014) a fait flamber la bourse de Shanghai au second semestre (+60%). Un mouvement spéculatif et déconnecté des fondamentaux selon beaucoup d’observateurs, en grande partie alimentée par les particuliers chinois, plus que par des fonds étrangers.

D’un point de vue sectoriel, les valeurs du secteur de la santé (+16%) et de la technologie(+11%) ont fini en beauté. En queue de peloton les secteurs Energie (-16%) et Matières premières (-11%)

Malgré le stress de fin d’année sur le High Yield américain, les marchés obligataires affichent une nouvelle fois des performances positives, l’intervention de la BCE en Europe et le report du calendrier de la hausse des taux américains ayant permis une nouvelle baisse des taux à long terme.

Nos principaux contributeurs à la performance cette année :

  • Notre pari sur l’appréciation du dollar
  • Notre exposition en actions internationales avec des fonds thématiques sur la santé (SSGA Heathcare et Pictet Biotech teminent respectivement à +25% et +40% en EUR), sur les dividendes (M&G Global Dividend à +11%) ou le vieillissement de la population (IFP Global Age à +21.5%)
  • Sur les US, Vanguard US Opportunities fait encore une très belle année à +16% en USD, déception en revanche avec le fonds Fourpoints (Exposition aux valeurs de l’énergie, peu de valeurs santé et mauvais stock-picking sur les sociétés liées à la consommation). Nous avons nettement réduit les positions sur ce fonds.
  • Nos fonds obligataires internationaux ont très bien performé grâce à leur exposition devises. H2O Multibonds réalise une année exceptionnelle à +30% et Franklin Templeton Global Bond finit à +15,60%
  • Nos fonds flexibles ont également répondu à leurs objectifs avec des performances oscillant entre +4,5% pour Arty et +15% pour CPR Croissance Réactive. Leur comportement lors de la correction en sept/octobre est intéressant, la plupart d’entre eux ayant réussi à très peu baisser durant cette période.

Pour conclure, l’année 2014 nous aura rappelé que les marchés des changes peuvent réserver des surprises et certains en ont fait les frais.

Par exemple, l’ampleur de l’appréciation du franc suisse aura des conséquences très négatives pour les centaines de villes françaises qui se sont laissées convaincre par Dexia de souscrire à un emprunt dont le taux, avantageux au premier abord, était indexé sur la parité EUR/CHF, censée peu bouger… (L’envolée du franc suisse entrainera plus de 25% d’intérêts annuels pour certains contrats !!)

Ou encore la société Alpari, acteur important sur le marché des changes aux UK, dont la vitesse du mouvement sur le franc suisse vient de provoquer la quasi-faillite en l’espace d’une journée, incapable de faire face aux pertes de ses clients.

2014 nous a également rappelé que l’économie fonctionne par cycles et que celui qui a alimenté la hausse des matières premières ces dix dernières années touche peut-être à sa fin.

La hausse des prix a engendré des investissements donc des capacités de production supplémentaires à un moment où, dans le cas précis, la demande en provenance de la Chine cesse d’augmenter de manière exponentielle.


Notre stratégie pour 2015

La majorité des gérants s’accordent pour considérer qu’il faut s’attendre à plus de volatilité cette année, au fur et à mesure où l’on se rapprochera d’une hausse des taux aux Etats-Unis.

Ensuite deux visions s’affrontent :

  • Certains estiment que l’Europe bénéficie aujourd’hui d’un alignement de circonstances particulièrement propices à un rebond des résultats des entreprises (Baisse de l’EUR donc regain de compétitivité à l’export, taux historiquement bas et baisse du coût des matières premières)
  • D’autres sont moins optimistes sur l’Europe et estiment que la décote par rapport aux actions américaines s’explique par un écartement des cycles économiques. Selon eux, la dynamique de croissance bénéficiaire se poursuivra aux Etats-Unis à un rythme plus élevé et la décote des actions européennes pourrait même s’accroitre en cas de nouvelles craintes systémiques (élections grecques,…)

Nous partageons ces deux visions, c’est la raison pour laquelle nous conservons pour le moment une exposition actions très internationale.

L’exposition au dollar devrait rester importante dans les portefeuilles mais c’est une position qui est devenue plus risquée en raison du beau parcours déjà effectué et du fait qu’il s’agisse aujourd’hui d’un pari très (trop ?) consensuel. Il nous paraît justifié de prendre une partie des bénéfices sur ces positions.

L’allocation type devrait donc assez peu évoluer à court terme compte tenu du contexte, à la fois propice à de bonnes surprises en Europe mais aussi à un retour de la volatilité (aggravation des difficultés du secteur énergétique américain, hausse des taux américains plus rapide que prévu, nouvelle crise de la dette en zone euro…)

Un mot sur la volatilité et la correction du mois d’octobre 2014

Pour rappel, les marchés ont nettement corrigé entre mi-septembre et mi-octobre de -10% avant de rebondir presque aussi violemment les jours suivants.

Plusieurs sujets ont alimenté la baisse : de mauvais chiffres européens sur la croissance et l’inflation, la panne de croissance en Allemagne au T2 (-0.2%, effets de la crise russe, partenaire commercial important) et le risque de propagation de l’épidémie Ebola.

Mais la violence du rebond qui a suivi interpelle. Il aura suffi de quelques statistiques meilleures que prévu sur le moral des consommateurs en Allemagne, sur le chômage aux Etats-Unis et des rumeurs d’un plan de rachat d’actifs de la BCE pour passer de la panique à l’euphorie.

Quel enseignement tirer ?

  • L’ascenseur émotionnel existe en bourse.
  • Le discours des banques centrales y joue un rôle majeur (rally des actions européennes avec la rumeur d’un plan de soutien de la BCE, chute vertigineuse du marché suisse suite à l’annonce de la BNS)
  • La vitesse de l’information, désormais accessible de manière quasi-instantanée et au plus grand nombre (chaines info en continu, internet, twitter…), accentue les phénomènes « moutonniers ». La réaction à chaud prend parfois le pas sur l’analyse, en tous cas à court terme.
  • Enfin la liquidité présente actuellement sur les marchés amplifie ces mouvements.

L’investissement en bourse implique inévitablement de la volatilité même si nous avions tendance à l’oublier, surtout côté américain, tant les indices ont grimpé de façon presque ininterrompue depuis deux ans.

  • En revanche, on peut réduire cette volatilité dans un portefeuille par l’allocation d’actifs (mix entre actions, obligations) ou par le choix de fonds par nature moins volatils (fonds flexibles, hedge funds).
  • On peut également en tirer parti pour investir, d’où l’intérêt de conserver du cash disponible.