Évolution des marchés et leurs perspectives pour l’année par Catherine Wajsman – Avril 2018

Bilan | 17 avril 2018

I. En 2017, les marchés financiers ont salué la croissance mondiale. Qu’en est-il en 2018 ? Doit-on craindre un ralentissement ?

Certains indices mesurant l’activité mondiale se sont, en effet, tassés à la fin du trimestre. A notre avis, cette baisse est principalement une réaction suite à l’enthousiasme provoqué par la réforme fiscale américaine. Dans un mois, les résultats des entreprises répondront à la question de la pérennité de la croissance. Selon nous, plutôt favorablement.


II. Dans ce cas, quels sont aujourd’hui les facteurs d’inquiétudes ?

Ils sont simples à identifier :

  • la crainte d’une hausse de l’inflation initiée aux Etats-Unis.
  •  la crainte d’une hausse brutale des taux d’intérêt, ceci étant évidemment lié à cela.
  • ce qu’il est convenu d’appeler la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, et plus globalement le caractère intempestif des réactions du Président de la première puissance mondiale.
  • enfin, l’impression, vraie ou fausse, que les cours des valeurs se situent à des niveaux élevés. D’une façon générale, nous pensons, comme c’est souvent le cas, que les médias exacerbent une vision courtermiste.

Reprenons ces inquiétudes une par une :

  • Depuis plusieurs dizaines d’années, nous observons que les commentateurs anticipent soit la déflation, soit la hausse de l’inflation. Je pourrais citer depuis les années 80, d’innombrables analyses reflétant ces anticipations. En fait, la réalité ne dépasse pas la fiction. Aux Etats-Unis comme en Europe (a contrario de certains pays émergents), s’il y a reprise de l’inflation, elle est plus « timide » que « galopante ». Ainsi, ce qui est sans doute excessif, les analystes de Bloomberg constatent-ils encore, malgré la hausse des salaires, une « inflation absente ».
  • Sur la crainte d’une hausse brutale des taux, pourquoi les Sages des Banques centrales s’autoriseraient-ils soudain à doper les taux de façon brutale, alors que leur expérience les conduit à éviter à tout prix les cataclysmes sur les marchés financiers ? La hausse des taux sera évidemment progressive.
    Les experts se disputent sur le fait de savoir s’il y aura cette année 3 ou 4 hausses des taux aux Etats-Unis. Cette querelle nous paraît relativement dérisoire. Plus précisément, aux Etats-Unis, Jerome Powell devrait suivre le programme Yellen et dégonfler par étapes le bilan de la FED. Les bons du Trésor à 10 ans US pourraient terminer l’année entre 2.60 % et 2.90 %.
    En Europe, Mario Draghi poursuit son Quantitative Easing et aucun changement radical ne devrait intervenir avant 2019.
  • Sur la « guerre commerciale » entre les Etats-Unis et la Chine, il convient de distinguer l’apparence et le fond. En voulant surtaxer de 25 % 50 milliards de produits chinois importés, le Président américain s’attaque en réalité à 3 % du déficit commercial avec la Chine, déficit qui est de l’ordre de 400 milliards de dollars ! Certes, l’agitation est bruyante. Mais est-elle réellement déterminante ?

III. Quel regard portez-vous sur les marchés au 1er trimestre 2018 ?

En quelques séances, fin janvier et début février, les marchés d’actions européens ont totalement effacé leurs gains des premières semaines de l’année. La rapidité de ces baisses a principalement été provoquée par le débouclage des positions d’une multitude de produits dérivés liés à la volatilité. Il convient de remarquer que l’Europe n’a pas amplifié le mouvement de baisse constaté aux Etats-Unis, contrairement à de nombreux coups de froid précédents. Sans doute le retard de performance par rapport aux indices actions américains et la valorisation moins généreuse des actifs européens ont-ils servi d’amortisseurs.


IV. Dans ce cas, pourquoi cette nervosité sur les marchés ?

Les causes de hausse et de baisse de la volatilité sont souvent difficiles à identifier. La preuve en est que les instruments financiers indexés sur la volatilité ont de grandes difficultés à performer. La hausse presque continue des marchés depuis 2011 suscite un sentiment de « vertige » et les gérants craignent toujours de reperdre ce qu’ils ont gagné.
De plus, la volatilité des cours des matières premières ainsi que celle des devises – les deux semblant d’ailleurs se stabiliser – contribue à « agiter » les marchés d’actions.


V. Quelle politique de gestion preconisez-vous pour éviter les soubresauts ?

Le passé a montré que vous ne pouvez pas éviter complètement un tsunami qui « embarque » les marchés.
Notre gestion repose sur quelques principes simples :
L’essentiel des portefeuilles est investi – selon les gérants – soit en fonds, soit en valeurs aux qualités fondamentales approche Warren Buffet – soit, ce qui est souvent le cas, en mixte des deux.
Notre gestion est une gestion de conviction : à titre d’illustration, depuis plusieurs années nos portefeuilles ne sont pas investis en obligations dans la mesure où nous considérons – approche de bon sens – que le niveau des rendements et le risque de hausse des taux enlèvent tout intérêt à cette catégorie d’actifs.
De même, lorsque nous croyons au talent d’un gérant, nous sommes susceptibles de souscrire jusqu’à 10 % de son fonds. C’est le cas, par exemple, d’H2O Multibonds, qui n’est pas un fonds obligataire – comme son nom pourrait le laisser penser – et qui, après de brillantes années, a, une fois de plus, réalisé une performance autour de
12 % depuis le début de l’année !
Enfin, parmi les fonds que nous sélectionnons depuis des années, les « mid » et « small » capitalisations sont largement représentées. Et cela pour une simple raison : il existe, à toutes les époques et dans tous les pays, des sociétés en forte croissance quels que soient les soubresauts de l’économie, des sociétés qui sont sur des créneaux porteurs, des entreprises innovantes : en sélectionnant des équipes de gestion performantes ou tout simplement en investissant sur le Nasdaq, nous bénéficions de ce type de découvertes.


VI. Quelle est votre opinion sur la gestion passive, en d’autres termes sur la gestion indicielle ?

La gestion passive peut-être un complément notamment sur des marchés que l’on maîtrise moins bien mais les stocks pickers de talent battront les indices. Un exemple probant : entre 1975 et 1982, le marché français est resté atone alors que pendant cette même période, 30 % des valeurs ont doublé.


VII. Last but not least : quels sont vos pronostics pour 2018 ?

Je ne saurais pas dire à quel niveau seront les marchés en fin d’année, et cela, d’autant moins que même si depuis plus de 10 ans les événements politiques ont moins d’influence sur les marchés qu’autrefois, on ne sait jamais…
Cela étant, ce qui est intéressant c’est la méthode. Que fait-on dans un contexte comme celui que nous avons décrit ?

 

  • Nous n’anticipons pas une déception, ni sur les chiffres macroéconomiques, ni sur les résultats des entreprises.
  • Nous suivons de façon hebdomadaire les stratégies et les intuitions de nos gérants préférés.
  • Nous diminuons la part des actions afin d’adapter les portefeuilles en termes de risque, au degré de volatilité des marchés. N’oublions pas que l’indice de volatilité (VIX) a atteint, à son pic, au cours de ce trimestre, un niveau relativement rare (37 contre 11 en fin d’année dernière).
  • Nous restons à l’écart des obligations au sens classique du terme.
  • Nous sommes vigilants à l’égard des valeurs pouvant souffrir d’un taux de change défavorable.
  • Nous recherchons pour la partie hors actions, des solutions alternatives car l’industrie
    financière présente des innovations souvent porteuses d’ingéniosité et de performances. Parmi celles-là, les fonds de type long/short actions – qui se positionnent à l’achat comme à la vente sur les actions – peuvent attirer l’intérêt des investisseurs en favorisant la décorrélation des portefeuilles. De même, la dette des pays émergents continue d’offrir des opportunités intéressantes. En effet, certains pays émergents pourraient connaitre une accélération de leur croissance économique et bénéficier de flux d’investissements. Enfin, certains types d’investissements immobiliers présentant des rendements attractifs constituent souvent une part de notre allocation.